Critique de Contre courants de Richard Couaillet

Contre Courants. Un roman d'autant plus intriguant que déroutant. Dans ce dernier, nous sommes plongés en plein cœur de l'existence d'un jeune homme qui, à priori, n'a rien de particulier, qui vit dans une petite province parmi une famille modeste et imparfaite. Une existence monotone et à première vue habituelle. A la seule différence que ce jeune homme ne partage pas toujours les mêmes occupations qu'un adolescent de son âge. Et c'est bien pour cette raison en particulier que l'histoire va prendre toute sa forme. Dès lors, le récit de Contre Courants peut ainsi commencer.
« Va faire un tour chez les fous ». Une phrase loin d'être valorisante. Mais une phrase qui attire l’œil. Notre jeune héros n'a aucune raison d'aller consulter un psy, mais l’autorité de ses parents est encore et toujours présente pour lui faire penser le contraire. Quoiqu'il ne le pense pas réellement. Il ne s'agit que d'un jeune homme silencieux et brillant. Un jeune homme qui nous intrigue par delà ses pensées et ses doutes, et la plupart du temps, à travers son admiration pour Arthur Rimbaud. On le suit. On suit ses confessions et l'on discerne vite sa personnalité. Et parfois même, on le comprend.
Un journal est initialement fait pour rester personnel et seul le propriétaire en connaît le contenu. Voilà pourquoi celui du jeune homme est appelé dès les premières pages du livres un « Contre-Journal ». Celui qu'il fait régulièrement lire à sa psychologue. Parfois des textes longs, parfois des textes courts. Parfois rien du tout. Il écrit au fil de ses pensées, s'il en a réellement besoin. Et le lecteur ressent actuellement ce sentiment. Il ressent la haine du grand frère, l'ignorance des parents dont le cruel manque de volonté de la mère. Il est incompris et ne cherche pas à retourner la situation. Il ne fait pas d'effort et s'enferme dans son mutisme car s'il y a une personne qu'il peut comprendre : c'est lui même. Contre-Journal, Contre-Courants. Au final, il ne fait rien dans le bon sens, c'est un fait.
On découvre alors un jeune homme passionné de littérature malgré l'insistance de son père pour qu'il devienne un ingénieur - encore une fois, l'autorité parentale semble être une fatalité à laquelle il ne s'oppose pas - mais également un rêveur, un poète, un jeune homme qui ressent ce besoin régulier de se sentir en danger. Un plongeon dans l'eau, une longue apnée, et il remonte à la surface comme s'il essayait de sentir l'agonie, celle de ne pas respirer, celle d’étouffer. Et au fur et à mesure du récit, on fait également la connaissance de ce jeune homme amoureux prêt à tout pour observer indéfiniment le regard de sa dulcinée. Son imagination reprend alors le dessus. Alcyone. Nom fictif qui nous restera en tête durant toute l'histoire. Alcyone. Nom répété des milliers de fois par notre héros. Une obsession naissante, presque magique. Alcyone. Cette touche féminine qui anime le récit de façon subtile.
Le trois quart de l'histoire se passe alors ainsi. L'existence d'un simple jeune provincial. On prend part à l'histoire et on finit par s'y attacher. Énormément. On finit par apprécier cette histoire d'amour progressive, particulièrement passionnelle, et rapidement installée entre lui et cette Alcyone. Mais peut-être un peu trop vite installée. Le coup de théâtre, c'est celui qui suit durant les pages suivantes. C'est alors qu'on en vient à être bouleversé, voire absolument dérouté. Est-ce que tout cela était réel ? Notre propre existence est-elle réelle ou n'est-ce qu'un simple rêve ? En effet, le violent détournement de situation du récit nous ramène à nous poser de multiples questions. Comme si, tout ce que l'on avait lu auparavant s'était effondré sous nos yeux. Une chute inattendue et déroutante qui laisse ensuite apparaître une vide assez apparent dans notre esprit. On ne sait absolument plus discerner la réalité de la fiction, à tel point que cela en devient un véritable poids. L'auteur nous laisse alors réfléchir. Il ne nous donne que très peu d'informations. Alors c'est à notre tour d’interpréter les choses. Alcyone. Un nom fictif pour un personnage fictif, au final.
Une phrase revient cependant dans notre esprit. Celle du tout début du récit. Cette toute première phrase, à première vue anodine, qui a lancé l'histoire. « Va faire un tour chez les fous ». Et c'est cette phrase exacte qui nous donne l'unique réponse à nos interrogations. Un "arc" parfaitement bien construit par l'auteur. Contre Courants ne raconte pas que l'histoire d'un simple jeune homme habitant à la campagne. La signification en est bien plus large. Contre Courants narre l’évasion fictive d'un jeune homme pourvu d'imagination, de rêves impossibles et d'une volonté troublante de rendre sa vie moins monotone, mais au contraire,  plus intéressante, attachante, dangereuse et passionnante.
Le point de vue interne d'un garçon chez les fous. 

Jennifer Dos Santos.

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